Guide des accords mets-vins ou comment transformer un repas en révélation...

Faute de goût : « Manquement à une règle ou aux règles, à un principe ou aux principes. » nous dit l’Académie Française ou, plus grave encore : « Erreur de style, de choix esthétique », selon le Wiktionnaire. Il ne viendrait à personne lisant ces lignes l’idée d’ouvrir une bouteille d’un vin rouge fort tannique pour accompagner de délicates langoustines ou un saumon fumé ? Un tel manque de savoir vivre aurait raison des amitiés les plus conciliantes. Démonstration cruelle des méfaits de l’ignorance, elle condamnerait son auteur à un ostracisme des plus mérités : perte de crédibilité, confiance entamée, relégation à la table des enfants, les conséquences d’un tel acte seraient redoutables. Aussi, La Cave de Villiers, soucieuse du bien-être de ses clients, a-t-elle décidé de proposer une série d’articles mensuels sur les accords mets-vins, cet art subtil d’harmoniser saveurs et textures. Une sorte de guide, portulan moderne pour passer sans peine le cap de bonne hospitalité et ne pas risquer s’échouer sur les récifs de la faute de goût.
Pourquoi tant d’efforts ? Après tout, on pourrait se contenter de suivre quelques principes simples, suffisants pour éviter les erreurs grossières et, bien souvent, procurer satisfaction. L’accord réussi entre un met et un vin va toutefois bien au-delà du principe de plaisir, le plaisir gustatif, immédiat. Il transcende la simple association d’un mets et d’un vin pour créer une dimension supérieure, de l’ordre de l’émotion, du cérébral, du sensuel. Il peut être une révélation, comme si on venait lever un coin du voile sur le mystère du monde. Avec le temps, ce moment s’affine et devient un bien intime et précieux : un beau souvenir. L’auteur de ces lignes n’a pas oublié cet Hermitage 1995 de Jean-Louis Chave* bu un soir de Noël en compagnie des siens, avec une mémorable côte de boeuf baignée d’une sauce aux échalotes confites dans le beurre et le thym, déglacées au vin rouge et enrichies de moelle et de jus de boeuf. La Syrah, la viande et sa sauce laissèrent une marque ineffaçable tant la profondeur des saveurs et les multiples échos qu’elles surent créer, vinrent illuminer la psyché de votre serviteur jusque dans ses recoins les plus sombres.
Comment, brûlez-vous de savoir, atteindre ce nirvana ? D’abord en suivant quelques règles pour ne pas se fourvoyer. Ainsi, l’ampleur et l’intensité du vin ne doivent pas écraser son partenaire. Un mets délicat demande un vin fin, un plat puissant appelle un vin charpenté.
Autre facteur important, l’acidité : elle allège et tranche le gras d’un plat et doit au moins égaler celle du mets. Quant au sel, il adoucit les tanins et révèle le fruit. Le sucre lui, durcit les vins secs. Aussi, le vin doit-il être au moins aussi sucré que le dessert qu’il accompagne.
Redoutés, mal compris, souvent mal aimés, les tanins sont pourtant essentiels à l’équilibre d’un vin rouge. Pour les dompter, rien de tel que le gras. Les tanins s’assouplissent et perdent de leur astringence au contact des protéines et des matières grasses.
Apparu il y a une vingtaine d’années dans le lexique occidental, l’umami est présent notamment dans les tomates, les champignons, le parmesan ou encore le jambon sec. Il accentue l’amertume et complique les accords, sauf si on l’équilibre avec du sel ou un vin évolué.
Enfin, ne négligez pas le jeu des textures : un plat crémeux appelle soit la similitude (un vin rond et ample), soit le contraste (un blanc vif et tranchant).
La répétition de ces mantras ne vous garantit certes pas l’illumination spirituelle, mais ils sont de sûrs indicateurs quand la direction à prendre est incertaine. Pour emprunter la voie du bonheur durable, le bonheur « gastronomico-vinicole » s’entend, il est recommandé de s’entourer d’excellente compagnie (préférez la solitude si cette condition ne peut être remplie), de boire du bon vin (et nous veillons à ce que vous ne manquiez jamais de belles bouteilles), de bien manger, et d'un peu de chance…
Le mois prochain, nous prendrons les chemins de l’automne. Gibier, champignons et courges promettent de bien beaux accords. Nous nous y plongerons avec délectation.
*Pour un accord dans le même esprit, le Saint-Joseph « Les Coteaux » 2022 du domaine Durand (24,95 €), accompagnera magnifiquement une belle pièce de boeuf.
Julien